Syndrome Naviculaire chez le Cheval :
Comprendre, Diagnostiquer et Traiter

Introduction au syndrome naviculaire

Le syndrome podotrochléaire ou naviculaire est une des causes les plus fréquentes de boiterie chronique du pied.

Comme tout syndrôme, c’est une maladie identifiable par un ensemble de signes cliniques qui sont tout à fait caractéristiques, mais qui peuvent avoir des origines différentes.

En effet, qui dit « syndrome podotrocléaire » dit affection de l’appareil podotrochléaire.

Or, l’appareil podotrochléaire est constitué de plusieurs structures anatomiques bien distinctes. 

Anatomie de l’appareil podotrochléaire

Pour bien comprendre le syndrome podotrocléaire, il est donc nécessaire d’avoir quelques notions d’anatomie.

Le schéma ci-dessous (figure 1) fait apparaître les structures anatomiques principales qui constituent l’appareil podotrochléaire du cheval.

L’appareil podotrochléaire est donc constitué de :

  • 1 os : l’os sésamoïdien distal, autrement appelé l’os naviculaire
  • 1 tendon : le tendon fléchisseur profond du doigt Plusieurs ligaments : le sésamoïdien collatéral, l’impair, et on peut même évoquer les chondro-sésamoïdiens si on veut être parfaitement exhaustif.
  • 1 structure synoviale : la bourse podotrochléaire qui joue un rôle de « glissement » du tendon sur l’os naviculaire.

Figure 1 : Vue latéro-palmaire de l’appareil podotrochléaire

Figure 2 : Vue latéro-médiale de l’appareil podotrochléaire

Lorsque l’on a en tête l’anatomie de cette région du pied, on comprend bien que parler de syndrome podotrochléaire ou naviculaire peut sous-entendre l’apparition de lésions de nature et de localisation totalement différentes.

Avec dans la foulée, une gestion et un pronostic qui devra être adapté au cas par cas.

En quelque sorte, il y a « cheval naviculaire » et « cheval naviculaire ».

À quoi sert l’appareil podotrochléaire ?

La vue latéro-médiale (figure 2) montre bien une inflexion du tendon fléchisseur profond du doigt lorsqu’il se trouve en rapport avec l’os naviculaire.

La tension physiologique du tendon et son changement de direction créent une pression du tendon sur l’os naviculaire.

En conséquence, lors du mouvement, le tendon fléchisseur profond doit pouvoir glisser sur la face tendineuse de l’os naviculaire, aussi appelée facies flexoria. 

La facies flexoria, recouverte de fibrocartilage, et la bourse podotrochléaire, cette cavité synoviale entre l’os naviculaire et le tendon, sont essentielles pour assurer le glissement du tendon sur le scutum distal que représente l’os naviculaire. 

Figure 3 : À l’appui, on note la flexion de l’articulation interphalangienne distale (entre P2 et P3) qui détend les ligaments sésamoïdes et le tendon fléchisseur profond.

À l’inverse, lors de l’extension du doigt, ces structures seront sous tension et pourront occasionner de la douleur.

Signes cliniques d’affections « naviculaires »

Examen statique : indices visibles

C’est une affection qui touche majoritairement les pieds antérieurs.

Premièrement, la conformation des pieds et l’aplomb donnent un certain nombre d’informations.

Certains chevaux aux pieds longs et aux talons écrasés seront plus susceptibles de présenter une douleur de la partie postérieure du pied et, pourquoi pas, de l’appareil podotrochléaire.

A fortiori si l’aplomb naturel est plutôt droit-jointé.

Sur ce point, attention à ne pas confondre un aplomb verticalisé par compensation avec un aplomb droit naturellement.

D’autres observations peuvent être interessantes, comme par exemple, le volume des pieds antérieurs (figure 2).

Un pied significativement plus volumineux que l’autre peut témoigner d’un report de poids préférentiellement sur un des membres antérieurs.

Cela se produit quand la douleur est chronique.

Figure 4 : Le professionnel a noté que le pied droit était plus développé que le pied gauche, plus étroit.

Capture d’écran d’une page d’examen statique du logiciel 

Ensuite, l’observation du comportement postural du cheval fait partie des moments privilégiés pour recueillir des informations.

De profil (figure 3), il peut soulager un antérieur, le « pied naviculaire », en le positionnant en protraction statique unipodale (il place le pied en avant).

Si les deux pieds sont atteints, il va alterner cette position antalgique d’un pied à l’autre (douleur bipodale).

Autre signe clinique postural, moins visible pour les non-initiés, le cheval pourra recentrer son appui sous son poitrail afin de mieux décharger le pied opposé (figure 4).

Figure 4 : Photographies de pied. Remarquez la position avancée, c’est-à-dire en protraction, de l’antérieur gauche.

De plus, en fin de ferrage les talons s’écrasent et dégrade la capacité locomotrice du cheval.

Photo des antérieures vue sagittale avec ferrage en « Duplot » après 5 semaines

Figure 5 : Photographie de pied. Notez l’appui préférentiel sur l’antérieur droit sous la masse.

Après 1er ferrage le cheval garde son aspect postural Initial

Pour compléter notre examen statique, on peut constater parfois des distensions synoviales de l’articulation du pied ou un gonflement du creux du pâturon, fréquent chez les chevaux de jumping.

Le sondage du pied ou bien un test de la planche” peuvent également donner des indications pertinentes sur la santé de l’appareil podotrochléaire.

Remarque : Au box, le cheval peut parfois se positionner sous lui en amassant de la paille sous ses talons afin de soulager la région du naviculaire et de relever artificiellement et momentanément ses talons.

 

Examen dynamique : observer le mouvement

C’est pendant cette phase de l’examen que le praticien objective une boiterie et lui donne un grade (lire l’article Comment détecter une boiterie ?). 

Cependant, l’observation du cheval en mouvement peut aller plus loin.

Une certaine façon que le cheval a de se déplacer peut évoquer plus ou moins fortement un syndrome naviculaire.  

En effet, la plupart des sujets atteints par le syndrome naviculaire auront une forte tendance à charger la pince du pied pour soulager la partie postérieure de celui-ci, partie comprenant l’appareil podotrochléaire.

Plus concrètement, la zone d’impact du pied au moment du poser, c’est la pince (figure 5).

On prête aussi attention au poser du membre sain, car le cheval peut modifier la zone d’impact du pied non douloureux et sa trajectoire.

C’est plutôt logique : le cheval reporte son poids et donc déplace son centre de gravité vers le membre sain pour que ses déplacements soient moins douloureux.

 

Figure 6 : Le membre touché est l’antérieur gauche, avec une zone d’impact au sol en pince.

On observe que l’antérieur droit a tendance à se poser en quartier externe, conséquence d’un centre gravité qui se déplace vers le membre sain et d’une trajectoire rentrante qui permet au cheval de charger le membre non douloureux.

Capture d’écran d’un rapport d’orthopédie généré par HIPPOTYPOSE.

Le cheval « naviculaire” présente souvent des allures réduites. Certaines conditions permettent au praticien d’affiner ses observations. On peut citer par exemple l’amplification de la boiterie sur sol dur ou sur le cercle. On peut aussi recueillir des informations en examinant le cheval au travail ou en concours. En saut d’obstacle, par exemple, un cheval naviculaire” pourra se réceptionner préférentiellement sur un pied ou bien perdre de la trajectoire.

Diagnostic du syndrome naviculaire

Techniques d’imagerie utilisées

Pour confirmer le diagnostic de maladie naviculaire, il est évident qu’il faut s’appuyer sur les techniques d’imagerie.
Un examen radiographique est indispensable dans un premier temps. Cependant, la radiographie a des limites.
Elle ne permet pas une évaluation de tous les tissus du pied.
On choisira donc de compléter l’imagerie avec une échographie, voire même avec un IRM.

L’IRM est un examen de choix qui permet de recueillir un maximum d’informations.

Limites et compléments nécessaires

Si les techniques d’imagerie moderne sont très performantes pour mettre en évidence des lésions, on ne peut faire un diagnostic uniquement à partir d’images.

Lésion ne signifie pas toujours douleur. Certaines lésions sont en effet bien tolérées. Certaines sont dégénératives et peuvent apparaître avec l’âge sans beaucoup d’incidence non plus. D’autres ont pu avoir une incidence sur la locomotion, mais ne sont plus actives au moment de l’examen.

Il est donc important de comprendre que les examens complémentaires sont indiqués pour confirmer des hypothèses diagnostiques dont l’origine est l’examen clinique (observation, palpation, tests, flexions…)

L’origine de la douleur doit être déterminée le plus précisément possible par l’examen clinique, qui inclut au besoin des anesthésies diagnostiques. Ce n’est qu’après avoir établi la preuve de l’origine de la boiterie que l’on peut interpréter les images obtenues en radiographie ou en IRM.

Prise en charge du syndrome naviculaire

Durant les vingt dernières années, la qualité du diagnostic et de la prise en charge a grandement évolué.
D’abord, les progrès des techniques d’imagerie ont permis d’être beaucoup plus précis dans la description des lésions.
Ensuite, la maréchalerie a énormément évolué pour proposer des ferrures orthopédiques adaptées.
Et surtout, depuis quelque temps, on fait de la prévention.
Tous ces facteurs ont contribué à changer la façon d’appréhender un diagnostic de maladie naviculaire.

Avec une gestion correcte, un cheval atteint de syndrome podotrochléaire, ou naviculaire, peut continuer la pratique du sport et même parfois à haut niveau.

En phase aiguë, du repos peut être recommandé afin de diminuer au maximum l’inflammation, ou bien les conditions de travail du cheval peuvent être adaptées.

 

Approche vétérinaire : traitement et suivi

L’arsenal thérapeutique du vétérinaire est varié. Il faut traiter la douleur et diminuer l’inflammation dans un premier temps.

Le recours aux anti-inflammatoires par voie générale est souvent utilisé, au moins en phase aiguë.

Par la suite, selon la nature de la lésion et l’évolution de la boiterie, le vétérinaire pourra recommander une infiltration, voire même une intervention chirurgicale dans certains cas.

La gestion à long terme de ces cas s’accompagne invariablement des compétences du maréchal, dont l’approche orthopédique est toujours un pilier fondamental de la stratégie thérapeutique.

Rôle de la maréchalerie thérapeutique :

Cela passe d’abord par l’analyse des caractéristiques anatomiques du cheval (ses aplombs, la conformation de ses pieds, …) que l’on met en relation avec la nature de la lésion qui est à l’origine du problème.

Cette analyse, qui découle la plupart du temps de l’échange entre le vétérinaire et le maréchal, permet de définir les besoins du cheval en termes biomécanique.

Le parage permet de corriger les angles phalangiens et de trouver la zone de confort du cheval, dans son aplomb naturel.

Pour ce qui est du type de ferrage, on préfère un ferrage léger ayant l’effet biomécanique recherché, en tenant compte du mode de vie du cheval, de sa discipline, …

En général, le maréchal dispose de 3 niveaux d’actions pour traiter un syndrome podotrochléaire :

  • Niveau 1 : les fers à oignons vont protéger et limiter l’enfoncement des talons dans le sol souple.
  • Niveau 2 : les fers Egg bar (fer en œufs) sont très souvent proposés pour les chevaux de sport, mais qui trouvera vite ses limites dans certaines utilisations. Egalement, les fers à l’envers (fer Napoleon) utilisés souvent pendant la phase aigüe.
  • Niveau 3 : les fers Egg bar (fer en œufs) compensé, auxquels on a recours dans des cas chronique plutôt sévère.

Il y a encore d’autres alternatives comme le Rocking shoe (fer compensé avec point de break over très reculé), efficace pour diminuer les tensions de l’appareil podotrochléaire, ou le fer en H qui favorise le départ du pied.

Cette maréchalerie “thérapeutique” doit s’accompagner d’un suivi vétérinaire régulier.

Et pour pouvoir envisager des progrès, le propriétaire doit accepter un suivi des ferrures toutes les 5 semaines.

Passé ce délai, l’équilibre du pied sera souvent compromis et les bénéfices de la ferrure seront moindres.

 

Ressources et outils recommandés

HIPPOTYPOSE : Plateforme de suivi orthopédique du cheval

Auteur/autrice